La
manifestation du 11 janvier à Paris était digne d’une caricature de
Charlie-Hebdo. Elle vit les chefs d’états du Qatar, de la Turquie et de
l’Arabie saoudite ou leurs émissaires marcher cote-à-cote avec leurs homologues
occidentaux en faveur de la liberté d’expression. Quelle farce ! Mais
cette triste collision des tenants d’une religion liberticide avec les héraults
de la liberté nous force à rappeler succinctement ce qu’est la liberté
d’expression.
La
liberté d’expression, ce n’est pas la liberté de redire ce sur quoi tout le
monde est d’accord. Où est l’intérêt à
le faire, où est le courage, où est la liberté dans ce cas ? Un musulman
clamant tout haut à la Mecque que le coran est un livre merveilleux ne sera pas
condamné à mille coups de fouet, mais s’il exprime un doute sur sa prétendue
origine divine, malheur à lui.
La
liberté d’expression n’a de sens que dans la controverse, les évènements le prouvent.
En France, les cadavres étaient encore chauds que François Hollande et
l’ineffable Dalil Boubaker
s’empressaient de déclarer que les assassins n’avaient rien à voir avec
l’islam, que cette religion était une religion de paix. Idem avec Georges Bush
(attentat des Twin Towers 2001), Tony Blair (attentat dans le métro de Londres),
José Maria Aznar (gare centrale de Madrid) Jacques Chirac à de nombreuses
reprises, etc. Ces leaders ont le droit d’exprimer leur opinion bien qu’ils
mentent délibérément en déclarant que puisque l’immense majorité des musulmans
en occident n’a pas de sang sur les mains, c’est donc la preuve que l’islam est
une religion de paix. Ou bien, soyons charitables, pensent-ils poser un geste
performatif – le simple fait de dire une chose la rend réelle, comme lorsque un
officier d’état civil dans le cadre de ses fonctions déclare deux personnes
unies par le mariage. Certes la majorité des musulmans n’ont rien à voir avec
les assassinats, mais les assassinats ont tout à voir avec l’islam. La
liberté d’expression, ici consiste à contredire les mensonges officiels, tant
de nos gouvernants que des dirigeants musulmans.
La
liberté d'expression part d'un principe simple : aucun tabou qu'il soit
religieux, politique, idéologique, social, artistique, scientifique ou moral,
bref aucune idée ne peut prétendre être à l'abri du pouvoir inquisiteur de la
raison ou tout simplement de l'opinion, informée ou non de tout être humain. La
seule limite est la diffamation d'individu ou l'appel à la haine à l'encontre
de groupes précis de personnes. En démocratie depuis les Lumières, il ne peut
exister de dépôt sacré, c’est-à-dire interdit d’examen. C'est pourquoi, je suis
contre les lois mémorielles sur la Shoah. La vérité ne se légifère pas !
La
liberté d’expression, jamais un état naturel dans aucune société humaine,
ne fut acquise en occident au cours des siècles qu’à la suite de batailles
souvent sanglantes et de révolutions. Son statut demeure précaire aujourd’hui
comme hier, toujours menacé même dans nos démocraties, même aux Etats-Unis où
elle jouit de la plus haute protection constitutionnelle. Mais voilà, la
liberté d’expression peut être limitée au nom de l’intérêt public. Tous les
États démocratiques se sont servis à un moment ou un autre de leur histoire de
cette échappatoire pour bloquer la libre diffusion d’informations qu’ils
voulaient garder secrètes, empêchant du coup le libre examen démocratique.
Par
essence, aucun pouvoir, du plus simple au plus absolu, pouvoir familial, pouvoir
religieux, pouvoir politique, n’aime réellement la liberté d’expression car
celle-ci introduit une autre parole que la sienne, nécessairement
contestataire, car sinon elle ne relèverait pas de la liberté mais serait soit
un simple écho, soit de la flagornerie. Historiquement, les pouvoirs politique
et religieux, revendiquant le monopole de la force militaire et celui des
injonctions célestes (l’alliance du sabre et du goupillon) ont violemment
réprimé cette force plus subtile mais étonnamment efficace, la parole libre.
Lorsqu’une parole divergente s’exprime, le pouvoir est forcé de se justifier,
les idées de changer, les mœurs d’évoluer, la morale de se transformer. Mais ce
n’est jamais facile ; en France, pays de la liberté, un ministre de
l’éducation nationale eut l’audace de tancer le professeur de philosophie
Redeker, pour avoir publié un article dans Le Figaro sur la nature violente de
l’islam, l’accusant « d’irresponsabilité » parce que son opinion
dérangeait les fous d’Allah et qu’il devait dès lors être sous protection
policière continue. Un autre ministre Laurent Fabius eut l’outrecuidance
d’accuser Charlie-Hebdo de mettre de l’huile sur le feu par ses caricatures,
oubliant qu’un des fondements de la République n’était autre que le droit
inaliénable de tout citoyen de dire crument ou pas ce qu’il pense. Mais, c’est
un fait, les pouvoirs en place, politique ou religieux, attendent de tous et
chacun une parole « responsable » dans l’arène publique, une
parole qui ne dérange pas. Quel oxymore, car que signifie une parole
« responsable » si elle ne remet pas en question, au besoin brutalement,
la doxa du moment, si elle ne conteste pas par exemple les fondements
coraniques meurtriers des pratiques de l’islam, dont la virulence ne s’est pas
atténuée à contrario des pratiques du judaïsme et du christianisme. Il n’y a
pas de liberté d’expression sans le pouvoir d’offenser, sans le pouvoir de
blasphémer. Tous ceux qui contestent cette nécessaire
« irresponsabilité » sont en
fait objectivement des ennemis de la liberté d’expression.
Nos
droits et libertés dépendent de notre liberté d’être informé et celle-ci dépend
à chaque époque du courage de quelques individus risquant leur vie et leur
réputation pour informer et démentir au besoin les discours officiels, l’opinion
commune ou les vaches sacrées du politiquement correct, le cancer de nos démocraties.
On pourrait même avancer que la liberté d’expression est la condition de toutes
les autres et que sans elle, la déclaration universelle des droits et libertés
ne serait que virtuelle.
La
liberté d’expression, qui inclut le droit de blasphémer est un acquis
merveilleux des Lumières et personne ne songe vraiment à la museler, sauf les
leaders musulmans partout dans le monde. Le délit de blasphème n’existe plus en
droit depuis belle lurette, les seuls qui redemandent année après année à L’ONU
sa criminalisation, sont, quelle surprise, les 57 pays musulmans de
l’OCI. Pourquoi une telle dissonance de la part non seulement des pays de
mouvance islamique mais aussi d’une très large fraction des musulmans dans nos
pays vis-à-vis d’un droit ancré dans nos traditions. Comment expliquer
l'intensité de la rage musulmane face aux caricatures et plus généralement face
au blasphème ? Ici, pour faire simple, rappelons deux vérités élémentaires. La
première est qu’il n’y a pas de société sans mouvements, sans contradictions,
sans conflits. Pour continuer d’exister les sociétés ont besoin de repères
fixes, des choses qui ne bougent pas, des certitudes absolues qui ne seront
jamais remises en question, ce sera le rôle du sacré, essentiellement religieux
mais pas seulement, ainsi en est-il de la sacralité d’une mère. Le sacré est
la garantie d’un ordre immuable, à l’épreuve du temps et de toutes les
vicissitudes de l’existence, à partir duquel on ordonne et réglemente la vie.
La deuxième vérité, autre itération de la première est que la psyché humaine ne peut exister sans
structures. Lorsque celles-ci disparaissent, on est déboussolés, apeurés. Pour
donner un exemple simple, lorsqu'on est sur un balcon au 20ème étage
d'un immeuble, on peut se tenir à 5 cm du vide sans appréhension, parce qu'on
voit la balustrade. Enlever la balustrade sans modifier votre position et la
plupart d'entre nous serons saisis d'un sentiment irrépressible de panique face
au vide. Notre psychisme est ainsi fait, on a besoin de balustrades, d'encadrement,
de structures visibles et de structures invisibles (inconscientes) qui nous
rassurent face au chaos, aux dilemmes du présent, aux imprédictibilités de l'avenir,
incluant pour les esprits les plus inquiets, des garanties sur l’au-delà
spirituel. Ces structures maintiennent l’intégrité du psychisme en faisant sens
du monde. Mais ces structures qui se forgent durant l’enfance, reposent dans
les sociétés traditionnelles presque toutes sur des énoncés sacrés, donc
interdits d’examen. L’identité se construit ainsi en grande part sur le religieux.
En occident, la religion demeure toujours chez beaucoup une dimension de
l’identité mais elle n’est plus son cœur vital depuis que l’usage de l’esprit
critique a réduit l’influence des traditions. Par contre, pour l’immense
majorité des musulmans, la religion et notamment la figure de Mahomet comme
messager de l’absolu demeure un impensé catégorique, car le doute est
spécifiquement interdit par les textes. Attaquer Mahomet, c’est comme arracher
la balustrade du balcon lorsque vous êtes au 20ème étage. Toute
critique de la religion musulmane est dès lors perçue comme un coup de
poignard, une négation de ce qui fonde l’identité et même l’être du musulman,
d’où une rage incontrôlable et folle, de surcroît antisémite sans complexe. Mais
doit-on toujours excuser un comportement meurtrier, en le qualifiant de
dérangement mental d’individus, alors que sa logique est si évidente, alors que
ses effets de sidération des esprits sont manifestes ? Sommes-nous
responsables de l’incapacité de l’islam à se réformer, à accepter enfin le
droit de tout individu à s’exprimer librement ? L’erreur mortelle de
l’occident est de chercher l’apaisement sous prétexte que toute défense de soi
pourrait être perçue comme islamophobe. Quelle folie. Peut-être est-il temps de
prendre acte qu’un ennemi aux ambitions messianiques veut vraiment nous dicter
sa loi. « Si vis pacem, para
bellum », Manuel Valls, le premier ministre français n’a pas dit autre
chose dans son dernier discours.
Léon
Ouaknine
3
février 2015