J'ai toujours pensé que dans notre désir de
nous affranchir de l'arrogance suprématiste qui a longtemps caractérisé
l'occident dans son rapport contemporain avec les autres cultures, nous allions
dans la bonne direction mais en commettant une erreur fatale. Après la deuxième
guerre mondiale et ses horreurs raciales, il fallait mettre à terre une fois
pour toute le mythe de la supériorité de l'homme blanc et celui de la
supériorité du message christique sur les autres religions. C'était la bonne
chose à faire et elle fut faite. Si le monde pouvait être perçu comme un
rapport entre oppresseurs et victimes, il s'ensuivait la nécessité d'un
redressement de la balance éthique tant au sein de l'occident que dans le
rapport de celui-ci avec la périphérie de l'époque. Ce fut la charge et
l'honneur de la gauche progressiste que d'avoir voulu cette justice
élémentaire. Les penseurs, philosophes, écrivains, journalistes élaborèrent de
facto un cadre mental où la notion de victime et de réparation des torts devint
le creuset conceptuel d'où tout regard sur le monde et toute réflexion devait
tirer sa substance. Ce fut le cas pour les luttes ouvrières et pour les démunis
requérant une plus grande protection sociale. Moralement, c'était la chose à
faire et le combat fut d'autant plus aisé que la guerre froide incitait les
classes possédantes à lâcher du leste. Vis-à-vis du monde périphérique devenant
de moins en moins périphérique, une étrange chose se produisit. Les autres
peuples n'avaient pas la même religion, la même culture, les mêmes valeurs que
l'occident; celui-ci trainait la culpabilité d'avoir dominé les autres, alors
que cette domination avait reposé sur la supériorité des armes et non sur une
prétendue supériorité civilisationnelle. Si par définition aucun système de
pensée n'était moralement supérieur aux autres, il s'ensuivait que tous les
systèmes de valeurs, toutes les cultures étaient égales puisque tout dépendait
de la perspective de l'observateur. Tout était relatif. Vérité en-deçà des
Pyrénées, erreur au-delà clamait déjà Pascal. Je prétends que l'erreur,
peut-être fatale, de l'occident, fut d'avoir gobé l'idée d'une équivalence des
valeurs, d'avoir au plan moral perdu la foi dans sa vérité, d'avoir accepté que les
comportements des immigrés soient jugés à l'aune de leurs propres valeurs et
traditions, même lorsque celles-ci étaient barbares et incompatibles avec les
fondements de la morale occidentale. Je prétends que les valeurs occidentales
issues des Lumières ont une assise éthique universelle parce que confortée par
la raison et non issues de traditions hostiles à la souveraineté de l'homme sur
lui-même. Lorsqu'on accepte le relativisme moral par peur d'attenter au
bien-être spirituel de la supposée "victime", on accepte que des prêches
insistent sur la dominance de l'homme sur la femme, on accepte que des femmes
prêtent serment en niqab, on accepte que les règles de laïcité soient violées
ouvertement ou subrepticement, bref on accepte l'inacceptable. Cette démission
est advenue sans que les élites intellectuelles ne réagissent à l'exception de
quelques braves, traités de racistes, d'islamophobes et autres jolis noms
d'oiseaux. Ce processus insidieux,
Georges Orwell le décrit en avril 1940 à partir d'une cruelle expérience qu'il
fit avec une guêpe qui aspirait la confiture de son assiette. Orwell attrapa la
guêpe, la coupa en deux; la guêpe continua d'aspirer la confiture,
celle-ci sortant de ses boyaux sans que
la guêpe y prête attention. C'est seulement quand la guêpe essaya de s'envoler
qu'elle réalisa que quelque chose de terrible lui était arrivé. Orwell ajouta
que la même chose était advenue à l'homme moderne, la chose qui avait été
coupée chez lui à son insu, était son âme. L'homme avait coupé la branche sur
laquelle il s'appuyait, la branche de l'éthique absolue et il était tombée dans
un marais boueux, le relativisme des valeurs ! Le danger vient moins de nos
ennemis que de nous-mêmes.
Léon Ouaknine
1er
octobre 2015
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