Le 17 janvier 2016, Justin Trudeau décida malgré le
malheur qui frappait ses compatriotes à l'étranger d'aller inaugurer une
mosquée à Peterborough et accessoirement en profita pour exprimer ces
condoléances aux 7 canadiens assassinés le 15 janvier au Burkina Faso.
Il aurait pu aller réconforter les familles des victimes au Québec; Un chef
d'État a aussi la responsabilité symbolique d'incarner la solidarité de la
Nation dans ces moments d'épreuve. Il a préféré aller en Ontario à Peterborough
dans une mosquée. Outre son incroyable manque d'empathie et manifestement de
sens politique, ce qui m'effare, c'est d'abord qu'il ait choisi une mosquée
pour livrer son discours, alors que les victimes n'étaient pas musulmanes, et
ensuite pas n'importe quelle mosquée, une mosquée dont l'iman est connu pour
ses prêches salafistes, un iman qui déclare qu'Allah a voulu que le but de la
femme sur terre soit de satisfaire son mari, un iman qui se réfère au maître à
penser de l'islam extrême, Sayyid Qutb.
Pour mémoire, voici un bref extrait de la vision de Qutb. (Roger Pol Droit, Le
Point, 17 janvier 2007)
"Le peuple de Dieu (les vrais musulmans) s'oppose aux juifs et aux
chrétiens, qui tentent, depuis toujours et sans succès, de les anéantir. «
Depuis les premiers jours de l'islam, écrit Qutb, le monde musulman a toujours
dû affronter des problèmes issus de complots juifs. » Les quelques passages du
Coran qui incitent au pardon et à la tolérance envers les juifs, Qutb conseille
de ne pas les mettre en valeur : «En vérité, ce sont des juifs qui soutiennent
la plupart des théories maléfiques visant à détruire toutes les valeurs et tout
ce qui est sacré pour l'humanité.» Le totalitarisme théologique de Qutb
projette une guerre de très longue durée, menée au nom de Dieu contre les
impies, y compris, éventuellement, les oulémas eux-mêmes. Toute laïcité est
jugée criminelle. Toute « liberté de non croyance en Dieu » est refusée. Toute
coexistence religieuse est inconcevable, sauf tactique temporaire. L'islam doit
s'assurer le leadership total sur l'humanité «son objectif est la terre
entière», souligne Qutb".
Il est impossible que Trudeau, entouré de tous ses
conseillers musulmans, ait pu ignorer les orientations salafistes de cette
mosquée; il choisit pourtant de s'y produire. Pour essayer de faire sens des
actions de notre Premier Ministre, je ne peux m'empêcher de relier celles-ci à
la philosophie de son père; j'y vois une évidente filiation idéologique, bien
que je doute que le fils ait la même finesse intellectuelle et encore moins le
sens politique que le père.
Pierre Eliott Trudeau, qui enchâssa le multiculturalisme au Canada, avait de
fortes convictions, dont certaines avec lesquelles j'étais en désaccord, mais
c'étaient des convictions raisonnées. Il se méfiait du nationalisme, et en même
temps ne supportait pas l'idée d'une nation canadienne amputée d'une de ses
plus importantes parties, le Québec. Il savait qu'une identité canadienne
reposant essentiellement sur les piliers francophones et anglophone, ne serait
jamais qu'un ersatz d'identité, une identité qui n'aurait jamais la force de
celle de la France, de l'Angleterre ou des Etats-Unis. Ne pouvant bâtir un
Canada unitaire, basé sur une hypothétique fraternité des peuples puisqu'un des
peuples fondateurs du pays avait été écrasé et conquis par l'autre, il choisit
comme futur socle identitaire, une construction juridique, la charte des droits
et libertés, qui devint la Terra firma de la constitution canadienne. Le
fondement du lien social ne reposerait plus sur la longue sédimentation
historique mais sur un acte de pure volonté.
Ce geste prométhéen échoua à refonder une forte identité commune a mari usque ad mare, mais fut l'une des
plus extraordinaires tentatives de réingénierie sociétale contemporaines que
l'on connaisse, entraînant une immense cascade de conséquences. Mais au final
un constat, contrairement à l'espoir que la charte des droits promouvrait une
vision universaliste du Canada, on aboutit exactement à l'inverse, la
multiplication des différentialismes, la mort de valeurs communes et d'une
culture partagée, menant à l'éclosion des îlots communautaristes, expression
décérébrée de la diversité comme valeur suprême, en un mot à un pays "tour
de Babel".
Tout est maintenant interprété au Canada et conséquemment au Québec, à l'aune
de la charte des droits et libertés, ce qui garantit qu'à terme, l'idée d'une
collectivité québécoise, enracinée dans son histoire et fidèle à ses
sensibilités propres, est fortement compromise face au déferlement des
communautarismes, principalement musulmans.
Et, c'est cette vision d'un Canada éclaté, que le récent geste de Justin
Trudeau, allant déplorer dans une mosquée intégriste l'assassinat de 7
canadiens au Burkina Faso, conforte. (voir articles de Daniel Laprès et celui
de Jonathan D. Halevi)
Pourquoi, Justin Trudeau procède-t-il ainsi ?
J'ai choisi ici un modèle
explicatif simplifié pour tenter d'en rendre compte.
John Tooby, un psychologue évolutionniste, professeur d'anthropologie à
l'université de Californie, Santa Barbara (http://edge.org)
postule que l'homme opère selon l'un des trois modes suivants, soit une logique
de coopération, soit une logique de prédateur ou soit une logique de
soumission. Ces trois modes ont été sélectionnés au cours des temps par
l'évolution pour nous doter des comportements appropriés dépendant du type
d'écologie sociale où nous sommes insérés, et bien sûr de notre condition
individuelle. Ils viennent avec des buts, approches stratégiques et désirs,
requis selon la situation. Chacun de ces modes infère une interprétation
évidente des intentions de l'autre (coopération, confrontation, soumission) et
la connecte à des éléments culturels spécifiques. Par exemple, le cri
phalangiste durant la guerre d'Espagne, "Viva
la Muerte" sonnera comme horriblement répugnant pour certains ou au
contraire exaltant pour d'autres. Idem aujourd'hui, la barbarie islamique avec
ses égorgements de masse nous donne envie de vomir, mais pour d'autres c'est le
signe du triomphe d'Allah et de son prophète. En gros, on ne voit jamais le
monde tel qu'il est mais uniquement à travers l'un des trois filtres que
l'évolution a sélectionné durant des centaines de millénaires alors que le
contexte social de l'humanité était infiniment plus simple que celui que nous
connaissons depuis quelques siècles seulement.
Le premier mode, la logique de coopération, est devenu dominant dans nos
sociétés évoluées, parce que les interactions gagnant/gagnant (somme positive)
sont généralement perçues comme plus productives que la confrontation entre des
groupes de force plus ou moins égale. Bien sûr, on peut être coopératif chez soi
et horriblement prédateur à l'extérieur, et bien sûr, il y eut Napoléon,
Hitler, Staline et beaucoup d'autres. Mais depuis 70 ans, on ne conçoit pas
d'alternative à la paix; les guerres locales sont pensées comme des anomalies
et non comme la normalité, alors que la guerre pour les seigneurs au Moyen-âge
relevait de l'ordre naturel des choses.
Le deuxième mode, la logique de l'agression, fut littéralement inscrit par la
nature dans notre ADN, parce que ce fut la loi du genre depuis l'apparition des
êtres multicellulaires. L'exploitation du plus faible, lorsque l'individu ou le
groupe sont en position dominante est alors la règle, nous devenons des
suprématistes, nous optons pour le conflit ou la guerre. Cette logique est
toujours présente dans les rapports internationaux, mais comme ultime recours,
à éviter si possible.
Le troisième mode, la logique de subordination, est basé sur la conviction que
l'adversaire gagnera. Je souligne que c'est un processus généralement
inconscient et qu'il ne découle pas d'une évaluation objective du rapport de
force. Ces situations se rencontrent partout, un enfant tyrannique peut exercer
un véritable chantage et le rapport de forces lui est favorable lorsque les
parents ont peur de ce qu'il fera; idem dans un rapport de couple où le plus
fort n'est pas celui qu'on pense, idem entre les nations, lorsque celles-ci
utilisent la stratégie du faible au fort, en recourant à des moyens
terroristes. Et on retrouve la même logique dans les pays où la majorité se
refuse absolument à courir le risque d'être accusée de tyrannie vis-à-vis d'une
minorité qui exploite adroitement sa situation auto-proclamée de victime, pour
exiger sans cesse de nouveaux accommodements. Cette logique appelle à plus de
déférence vis-à-vis du prédateur, ici masqué dans ses habits de victime; on
l'excuse, on lui rend hommage, on s'identifie avec lui, on imagine ses
souffrances, on inventorie toutes les injustices à son égard, on lui cède en
calculant que ça sera moins coûteux socialement que si on lui résistait, et
surtout on veille à ne pas le provoquer. Tout le monde a en tête la lâcheté
universelle des journaux et autres média de l'occident qui refusèrent de suivre
Charlie-Hebdo, lorsque celui-ci leur proposa de tous publier en même temps les
caricatures de leur prophète. Ils refusèrent non pas parce qu'ils condamnaient
les caricatures, mais parce qu'ils avaient peur, ainsi que le chroniqueur Yves
Boisvert du journal La Presse, l'a récemment reconnu. On sait ce qui
s'ensuivit.
Le professeur John Tooby pense que les Lumières, les droits et libertés, le
prodigieux développement des sciences et des technologies, le démantèlement des
privilèges, ont créé des zones de relative harmonie depuis un peu plus de deux
siècles, qui fait qu'on a du mal à imaginer toute autre logique que la
coopération au sein de nos sociétés. Il ajoute que face à la violence de
certains groupes, on se convainque que cela ne peut survenir que parce que ce
groupe est victime de souffrances injustes et que si on répond à leurs
demandes, la paix reviendra. Or toujours ces groupes prédateurs n'ont qu'une
logique, le deuxième mode, "Je gagne, tu perds". Au lieu d'un peuple
uni, nous hériterons de tribus.
Après ce petit détour théorique, ultra simplifié je le
répète, il devient clair pour moi que Justin Trudeau opère selon une logique de
soumission dont il n'est évidemment pas conscient parce qu'il est habité par le
démon du bien. Winston Churchill disait que c'était très bien pour l'Église
catholique de ne voir que le bien, mais qu'en tant qu'homme d'État, il lui
incombait de voir le mal réel et d'y faire face. La posture angélique de
Trudeau exige une victime à défendre à tout prix, une victime, si possible
issue d'un ailleurs exotique. Il préfèrera un selfie souriant avec une femme en
hijab à Peterborough que de s'assoir avec les parents québécois ayant perdu six
des leurs et de pleurer avec eux. Il n'est pas nécessaire de penser qu'il est
béatement habité par une admiration sans borne pour l'islam, mais il est
nécessaire de pointer son irresponsabilité. Pour rappel un exemple, lorsque
deux canadiens furent assassinés il y a deux ans par des convertis à l'islam,
Justin Trudeau refusa de les condamner sur le champ, arguant qu'on devait
auparavant essayer de comprendre les raisons de leur geste, comme si celui-ci
pouvait être possiblement justifié.
Dans la continuité philosophique de
son père, Justin Trudeau va plus loin; il veut faire du Canada, le premier État
hors sol, sans aucune racine propre, non pas une société universelle
a-culturelle, basée sur les seules prescriptions de la raison, ce serait à la
limite un rêve fou mais honorable, mais non, ce doit être une société où
n'importe quelle culture, incluant celles qui posent que le femme n'est pas
l'égale de l'homme, aurait tout autant droit de cité que celle qui à force
d'efforts, de combats et de sang, reconnaît que l'injustice immémoriale faite
aux femmes doit cesser, immédiatement et sans aucune exception.