La laïcité n’est pas un état naturel de
l’organisation des communautés humaines. Elle n’advient que lorsque l’État
parvient à se dégager de sa gangue ethnique originelle en définissant
un corps de citoyens sans références aux notions de religion, de race, de sexe,
de genre ou de sang.
Historiquement, il n’existe pas à ma
connaissance de collectivités nationales qui, lors de leur constitution plus ou
moins formelles, ne se soient appuyées d’une quelconque façon sur des mythes
religieux. Nombre de philosophes vont jusqu’à affirmer qu’il ne peut y avoir de
morale, c’est-à-dire de codification éthique des rapports entre humains, sans
fondement religieux. Les faits historiques infirment cependant cette croyance
quant à l’impossibilité d’une morale indépendante de toute religion, même si cette
conviction demeure toujours fortement ancrée non seulement au sein de la
population mais aussi chez une large fraction de ses élites intellectuelles. Le
représentant le plus marquant de cette tendance aujourd’hui est le philosophe
Charles Taylor.
Si le modèle d’une société fondée sur un
socle religieux est toujours très répandu, les États réellement laïques, sont par
contrecoup rares, parce que la laïcité n'advient historiquement qu’au travers
d’un combat souvent féroce à l’encontre de forces religieuses immenses.
D’ailleurs les deux premières nations qui ont institué une forme de laïcité,
les États-Unis et la France, l’ont fait à l’issue de révolutions sanglantes.
Il existe aujourd’hui 4 types de laïcité
formelle, (française, américaine, turque, soviétique). Nous n'en examinerons
que deux reposant sur des philosophies divergentes :
La laïcité à la française : Laïcité non adjectivée. Séparation
radicale de la Religion et de l’État. L’espace public sous l’égide de l’État est
libre de toute religion. L’État est seul garant de l’intérêt universel. (Article 28 de la loi du 9 décembre
1905 : Il est interdit, à l’avenir,
d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments
publics ou en quelque emplacement public que ce soit. À l’exception des
édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des
monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions)
La laïcité ouverte, plurielle, inclusive,
positive :
Pour faire court, je l'appelle la laïcité-hallal
pour une raison assez évidente ; partout la remise en cause de la laïcité
s'est faite principalement sous la pression de l'islam, bien plus que par
pression de toute autre religion. En France ou au Québec, je ne sais plus où,
un évêque avait prononcé cette phrase inouïe "grâce à l'islam, dieu est de
retour". Dans sa version la plus molle de la laïcité-hallal, Il n’y a pas
de mur étanche entre la religion et l’État, toutefois celui-ci ne doit en
privilégier aucune. De ce point de vue l’État est neutre, mais pas vraiment
laïque ; La loi 62 en est un bon exemple.
La laïcité, stricto sensu, s’appuie sur
deux principes philosophiques et un mode d’organisation politique de la vie en société.
1.
Le premier principe philosophique « La
raison est l’unique clé de l’universel » est issu directement des
Lumières, dont je rappelle brièvement les valeurs dominantes qu’elle promeut :
rationalisme, humanisme, contrat social, basées sur la conviction que seule la
raison permet de discerner la vérité et qu’aucune connaissance non triviale ne
peut être obtenue autrement que par l’exercice de celle-ci. Ce principe date de
l’époque où on opposait la raison à l’obscurantisme et même à la barbarie de la
religion. On pensait qu’avec l’usage systématique de la raison, un âge d’or
allait s’ouvrir quant à la compréhension et la maitrise, et de la nature[1]
et du rapport[2] entre les hommes.
2.
Le deuxième principe fut énoncé par Condorcet, et porte sur la souveraineté
individuelle. « L’individu n’a aucune raison de faire confiance, de
croire sur parole : car seul le vrai a valeur d’autorité et hors de l’usage de
la raison, il n’existe pas de critère absolu du vrai ; dans ces conditions
l’État devra faire le maximum pour armer les citoyens contre l’erreur. Tel est
au fond le rôle de l’école publique. Tel est aussi le rôle de la loi qui est là
pour protéger l’instruction, pour écarter les pouvoirs, toujours suspects,
autrement dit pour garantir l’indépendance de chacun ».
En d’autres mots, la laïcité requiert le
refus de toute ingérence religieuse, partout où l’État doit intervenir et
prioritairement au niveau de l’éducation des enfants, car ils sont éminemment
malléables et on doit les protéger.
L’École est donc le cœur de cible de la
laïcité,
bien avant toutes les autres institutions. Voici une partie d’un discours
prononcé par Jean Jaurès en 1888 en présentant l’instituteur comme le fondateur
de la Nation et le gardien de la laïcité. (Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes
responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas
seulement à écrire, à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une
rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils
doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son
âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre,
quels droits leur confèrent, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation.
Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut
qu’ils sachent quelle est la racine de nos misères : l’égoïsme aux formes
multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fermeté unie à la
tendresse…. Je dis donc aux maîtres pour me
résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et
lorsque, d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur
aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine,
vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans
chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses
changeront.). Ces instituteurs furent appelés « Les
hussards noirs de la République ».
Imagine-t-on aujourd’hui,
le Premier Ministre Philippe Couillard adresser une telle lettre à tous les
instituteurs et institutrices du Québec ?
L’école, tant au primaire qu’au secondaire
a dès lors 3 rôles essentiels :
a)
Transmettre les connaissances
b)
Développer l’esprit critique de l’élève, condition première de toute pensée
indépendante.
c) Former au travers de cours d’instruction civique, les futurs citoyens, dépositaires
fondamentaux de l’autorité politique de toute collectivité humaine, au nom du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
En décembre 1905, l’adoption de la loi de
séparation de l’Église et de l’État en France, résulta d’un compromis pour
réduire les tensions entre des forces antagoniques qui déchiraient le pays. Ce
compromis au plan de l’école prit la forme d’un jour de congé scolaire durant
la semaine, pour permettre aux parents qui le désiraient de donner une
éducation religieuse à leurs enfants.
À ces principes philosophiques qui
touchent à la nature de la laïcité, s’ajoute un principe d’organisation de la
société que Catherine Kintzler, une spécialiste de la laïcité définit
ainsi : « L’abstention absolue de la puissance publique en
matière de croyance et l’exclusion des communautés de la formation de la loi
sont les deux versants d’un État laïque où la laïcité est une condition
quasi-transcendantale de la sphère publique »[3].
Le premier élément va de soi, l’État n’a
rien à voir avec les croyances des gens.
Le deuxième est particulièrement
significatif, car il dit essentiellement que l’État ne reconnait que les
citoyens, pas les communautés et n’a pas à consulter celles-ci dans
l’élaboration des lois ni a fortiori dans leur application. De ce fait, la
laïcité est antinomique de tout communautarisme et conséquemment du
multiculturalisme, à distinguer évidement de la diversité ethnique.
Il n’en reste pas moins que la laïcité est
toujours sous tension, vulnérable, la bataille n’est jamais achevée. On le voit
bien au Québec avec la loi 62 et surtout avec la notion d’accommodement
raisonnable. Je reviendrais sur ce point plus tard. Même en France, malgré le
bouclier constitutionnel, le grignotage est incessant. Ainsi, en juillet 2016,
un document de travail de l’institut Montaigne, un think-tank proche des cercles
du pouvoir et en particulier du nouveau président de la République Française,
intitulé « L’islam français : le connaître, l’organiser - Présentation
des recommandations au Comité directeur de l’Institut Montaigne ». Le
rapport recommande deux choses : « l’aggiornamento de la loi de 1905 » et «
l’extension du Concordat sur tout le territoire ». Les rédacteurs
considèrent que la loi de 1905 n’est plus adaptée à la situation actuelle de la
France. Toujours selon ce document, la laïcité pourrait faire l’objet d’une
actualisation en procédant à la « nationalisation » de tous les édifices
cultuels construits entre 1905 et aujourd’hui en France, pour les soumettre au
même régime juridique que les édifices cultuels antérieurs à 1905 ». Plus loin
encore, ce document préconise «
l’abrogation de la loi de 1905 et la révision en profondeur de la constitution,
par la création d’une politique publique
religieuse prenant en charge les nouveaux cultes - notamment islam et
évangélisme... La puissance publique finance, organise et contrôle ces cultes ».
Je suis certain qu’une telle
recommandation ne passera jamais, mais le simple fait qu’on puisse la penser et
l’écrire en dit long sur la volonté de certains cercles influents en France de
mettre à mal la laïcité.
Le Québec n’est plus ce qu’il était
Je suis arrivé en 1968. Je me souviens d’un Québec en
effervescence, on sentait l’histoire se faire, un peuple affirmait son désir
d’être lui-même, la fierté et l’enthousiasme étaient contagieux, un vent
nouveau soufflait porté par une incroyable créativité culturelle et un
bouillonnement d’idées. On avait le sentiment que tout était possible.
Aujourd’hui, l’émotion que j’éprouve, c’est celle
d’une déroute de la pensée, de la défaite des forces réellement progressistes.
Aujourd’hui, la passion est morte ou alors, c’est une passion triste. Le climat
a changé, il n’y a plus de rêve, l’ardeur à bâtir un pays s’est essoufflée.
Pourquoi ? Il y a évidemment plusieurs causes
mais je me limiterais ici à ausculter ce qui a dérapé pour l’un des enjeux les
plus essentiels de la société : la lutte pour la laïcité.
Les 9
entraves à la laïcité au Québec
Au Québec, la philosophie qui a présidé à
la déconfessionnalisation des diverses institutions publiques et notamment des
écoles, relève d’une laïcité inspirée du modèle français. Jusque vers le
début des années 90, rien ne semblait arrêter le mouvement de laïcisation de
facto du Québec. Le consensus social semblait unanime.
Mais vers la fin des années 1990, les
choses ont commencé a sérieusement déraper, dû à une multiplicité de facteurs
négatifs dont la jonction a surdéterminé le résultat final. Il s’agit de ce que
j’appelle les 9 entraves spécifiques, que je vais brièvement énumérer.
1.
Le multiculturalisme, imposé à marche forcée au Québec par le
ROC (Rest Of Canada) et l’évidente complicité de plusieurs partis politiques
québécois, est antinomique d’une conception laïque de la société, car il porte
en lui le communautarisme comme la nuée porte l’orage, pour paraphraser ce que
disait Jean Jaurès au sujet du capitalisme. Mais le multiculturalisme n’aurait
pas pu s’imposer si fortement s’il ne s’appuyait pas sur la charte canadienne
des droits et libertés.
2.
La prééminence du droit à la différence. C’est justement la charte canadienne qui
a permis l’éclosion de la mouvance diversitaire. La revendication permanente d’un droit à la
différence, menant directement à une différence des droits en lieu et place
d’une revendication d’égalité des droits et devoirs pour tous. On en est
arrivés à cette incroyable inversion des valeurs, que la mouvance diversitaire
ne lutte plus pour avoir les mêmes droits mais pour exiger des accommodements
spécifiques à chaque groupe. Dans ce contexte, l’idée d’une identité nationale
se dissout totalement et ne renvoie qu’à un mélimélo de groupes disparates. Il
n’y a plus de lieu universel où ce qui compte c’est ce qui est commun, ce qui
rassemble et non ce qui différencie, le lieu universel est laïque par
excellence, lieu où tous en tant que citoyens se rencontrent pour parfaire la
cité commune.
3.
Les accommodements dits raisonnables. Ce droit à la différence et à
l’authenticité, basée sur la conviction de conscience, essentiel critère
utilisé par la cour suprême pour valider au nom de la charte des droits et libertés
des demandes qui souvent heurtent la conscience morale et certains principes
démocratiques, ce droit à la différence donc, est le ferment qui délite peu à
peu le lien qui doit rassembler et unifier une société, lorsqu’il sert de base
à une communautarisation des droits. Le terme d’accommodement est un
élément de langage pour faire passer nos renoncements pour des négociations et
c’est sans fin. On commence par le
foulard pour ensuite refuser des cours de gymnastique et de biologie
(Fatiha Boudjahlat).
4.
L’antiracisme, une dérive devenue folle. En occident, et j’inclus évidemment le
Québec, après 30 ans d’antiracisme forcené, conceptualisé par une caste
intellectuelle occupant pratiquement toutes les strates universitaires, et dont
la parole est devenue le code obligatoire pour penser juste d’une autre caste
médiatico-politique celle-ci, il était devenu impossible, sans se faire traiter
de raciste, d’affirmer ouvertement certains faits d’évidence, tels la
dangerosité de versets du coran justifiant l’islamisme, la folie d’une
politique migratoire dont aucune justification ne tient la route ou tout
simplement le refus d’accepter que l’encadrement et l’enseignement soient
donnés par des femmes voilées. Imagine-t-on un curé en soutane donner
aujourd’hui un cours à l’école primaire ou secondaire ? Qui croira une
seule seconde que la communauté musulmane trouverait cela acceptable ?
Tout ceci nous a doucement amené à vivre avec un système de 2 poids 2 mesures.
J’en donnerais quatre exemples :
a.
Les femmes voilées œuvrant dans les CPE (Centre de la petite enfance)
agents théoriquement laïques puisque exerçant une fonction éducative importante
dans le cadre de programmes publics. Violations du principe de laïcité qui ne
dérange nullement Françoise David, l’ex cheffe de QS (Québec Solidaire), en
fait un parti zombie phagocyté par les islamogauchistes.
b.
Le Premier Ministre Philippe Couillard qui était évidemment derrière le
projet de loi 59, lequel à toute fin pratique réintroduisait la notion de
blasphème dans la sphère publique, avec l’aimable soutien de nul autre
que Jacques Frémont, ex président de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, ce qui en dit long sur l’imposture de
cette commission. Couillard qui s’en va clamer à haute voix Allah Akbar
dans une mosquée, foulant aux pieds, non seulement la laïcité mais même le
minimum de réserve auquel le premier magistrat du pays devrait être tenu dans
ses rapports avec les religions.
c.
Enfin la création heureusement mise au rancart, d’un comité sur le racisme
systémique des Québécois, dont plusieurs membres, tous nommés par la ministre
de la justice Katherine Weil, sont allés récemment accueillir une raciste
patentée, venue de France pour prodiguer la bonne parole, Houria Bouteldja,
porte-parole là-bas du Parti des Indigènes de la République.
d.
Les cours ECR (Éthique et Culture Religieuse) obligatoires sans références
aucune à l’incroyance comme position philosophique et dont l’effet auprès des
petits enfants est de les amener à penser que l’état naturel de l’enfant est
d’appartenir à une religion.
5.
La révérence à l’égard du religieux. Du fait de son ancien ancrage dans le
catholicisme, il existe toujours au Québec, un traitement préférentiel des
religions et conséquemment injuste, pour reprendre les termes du philosophe
François Doyon, à l’égard des autres composantes de la société, dont la laïcité,
pourtant voulue par une majorité de la population. Quelques exemples :
a.
Les accommodements insupportables touchant aux rapports homme/femme dans
diverses institutions publiques.
b.
La position de la ministre de la justice Stéphanie Vallée au sujet de la
loi 62 sur la neutralité religieuse de l’État « Ce n’est pas une loi sur le linge » pour ridiculiser ceux qui
soulignaient que se voiler était un signal identitaire prônant l’exclusion et
non l’inclusion, doublé d’une prise de possession symbolique du territoire
québécois, pour que les émules québécoises de Tarik Ramadan puisse dire dans
quelques années, à l’instar de ce qu’il fit en France : le Québec est de
culture musulmane !
c.
Le cas des écoles juives illégales. 700 enfants juifs ultra-orthodoxes sont
maintenant scolarisés à la maison sous la supervision de la commission des
écoles anglophones. Or cette commission ne procède que très rarement à de
véritables examens de contrôle des connaissances ; une façon de camoufler
l’abandon par l’État de ces enfants au vouloir communautaire religieux.
6.
Le désenchantement vis-à-vis du pouvoir souverain de la
raison depuis
la fin de la 2ème guerre mondiale, lorsqu’on a pris plus
fortement conscience que tout progrès portait en lui également le germe de
futurs désastres. Les anti-Lumières avaient dès le début, pointé du doigt que
la raison ne pouvait pas être garante du bonheur de l’humanité, parce qu’aucun
être humain n’est un pur sujet cartésien. Aujourd’hui un des plus éminents
représentants du mouvement des anti-Lumières, le philosophe Charles Taylor, a
eu une influence énorme sur les élites intellectuelles anglo-saxonnes mais
également au Québec, où il est encensé. Les thèmes anti-lumières que l’on
retrouve chez Taylor sont : la disqualification de la raison au profit de
la révélation, un préjugé systématique pour la reconnaissance des
particularités traditionnelles ou culturelles (pro-multiculturalisme) au
détriment du contrat social à visée universelle, la conviction que l’humain est
incapable de définir les normes morales par lui-même et pour lui-même et qu’il
faille s’en remettre à un ordre transcendant ou divin pour définir le bien et
identifier un objet de respect inconditionnel. Il faut souligner à cet
égard les prises de position sans équivoque de Taylor contre la laïcité qu’il
qualifie toujours de « radicale ». (Marie-Michelle
Poisson) et finalement il tient un discours de dénigrement systématique de
la modernité issue du rationalisme à laquelle on reproche le « désenchantement
du monde », les atrocités du siècles dernier, l’absence de repères moraux et
l’individualisme outrancier.
7.
L’effondrement de l’école
a.
Toute personne honnête doit pouvoir constater objectivement ce fait. La
volonté de réduire l’exclusion a amené tous les niveaux scolaires à diminuer
leurs exigences ; ce qui aboutit à un niveau ahurissant d’illettrisme
fonctionnel. Cet illettrisme camouflé sous des diplômes parfois universitaires
n’aide pas à la résorption des fractures sociales, mais surtout ce qui manque, c’est
l’absence quasi-totale d’apprentissage à la pensée critique, indispensable au
citoyen averti. Qui aujourd’hui encourage les étudiants à penser par
eux-mêmes ? « Sapere aude ! »
[Aie le courage de penser par toi-même]. Pauvre
Kant, il doit se retourner dans sa tombe.
b.
Exemple récent de requête d’une mère : « Qu’on cesse de demander aux
écoliers des présentations orales, car ça les stress !» Mathieu Bock Côté,
un remarquable intellectuel québécois, répondait avec humour « Pourquoi ne pas
abolir non seulement les cours mais l’école elle-même !»
c.
Cours d’histoire réduits à une peau de chagrin, cours pourtant
indispensables à l’idée de transmission de toute culture d’un peuple enraciné
depuis des siècles dans des temps, des lieux et des circonstances spécifiques.
d.
Au lieu de l’histoire et de la réflexion, on a hérité des cours ECR
(Éthique et Cultures Religieuses) obligatoires, qui légitiment l’idée que la
religion est une dimension inhérente à toute culture. De plus, on présente les
religions comme une réalité dépourvue d’épines et de monstruosités, et
évidemment on y ignore délibérément l’existence de l’incroyance comme choix
philosophique d’une part significative et grandissante des Québécois. Position
d’une extrême gravité lorsqu’une personne en autorité diffuse un tel message à
des enfants. Charles Taylor vantait ces cours, en disant que s’ils avaient
existé une génération avant la commission Bouchard/Taylor, celle-ci n’aurait
pas été nécessaire.
8.
La haine du nationalisme. On a été abreuvés depuis des décennies
du slogan de Mitterrand, « Le nationalisme, c’est la guerre ». Ce fut même un
thème en filigrane de la campagne d’Emmanuel Macron en France et une vérité
première pour Philippe Couillard. Le nationalisme est présenté comme équivalent
du racisme, du refus de l’autre, de l’enfermement, autrement dit du rance.
Résultat, on confond nationalisme mortifère avec l’indéracinable sentiment d’un
destin partagé qui est au fondement de toute collectivité humaine structurée en
communauté nationale ; faut-il rappeler ce que disait la philosophe Simone
Veil « L’enracinement est le besoin le plus important et le plus méconnu
de l’âme humaine », c’est ce qui fonde l’irrépressible besoin identitaire
au fondement de tous les peuples. Par contre pour les mondialistes, il
n’existerait plus que le grand large, l’horizon illimité, sans frontières,
ouvert à tous de la planète. Quelle farce, un simple regard sur les temps
historiques et sur le présent, montre à quel point cette vision angélique est totalement
déconnectée du réel, comme si la fin de l’Histoire était réellement advenue,
comme si les peuples et les cultures n’étaient que des idées obsolètes sans
conséquences. Un tel déni de l’existant n’est pas accidentel, il a pour
objectif de formater les esprits pour les rendre compatibles avec la forme de
multiculturalisme voulu par ceux qui ont présidé au consensus de Washington en
1991. Cela correspond très exactement aux intérêts de l’hyper-classe
mondialiste, dont les jeunes leaders sont formés dans des groupes très sélects,
tels la French-American Foundation-France qui a développé un programme
« Young Leaders » dont plus de 400 membres des élites françaises dont
François Hollande, Emmanuel Macron et Édouard Philippe [nouveau PM français],
sont diplômés avec un certain nombre d’américains dont Bill et Hillary Clinton.
Qui ne voit pas que cette vision multiculturaliste a pour fin de dissoudre tout
pouvoir politique national, autrement dit d’annihiler l’expression identitaire
des peuples, au profit d’une pure vision consumériste de l’humain. Et s’il n’y
a pas de pouvoir politique local et national, comment imaginer une société
laïque, car celle-ci ne peut exister que lorsque l’État, instance politique par
excellence, définit un secteur protégé des assauts communautaristes et
religieux. C’est vrai pour tous les peuples, pour le peuple français comme pour
le peuple québécois.
9.
L’islamisme de combat. J’ai gardé le danger le plus grave, le
plus sournois, le plus empoisonné pour la fin. C’est ce danger qui potentialise
tous les autres et qui ne peut être bloqué que par la force et la
détermination ; vertus hélas peu fréquentes. Je veux parler évidemment de
la présence grandissante d’un islamisme de combat, déterminé à tester dans tous
les domaines jusqu’où ses membres peuvent aller pour imposer des accommodements
dits « raisonnables », au nom de la charte canadienne des droits et
libertés, instituée en 1982. Cette approche fut théorisée par Tarik Ramadan qui
considérait le Canada comme un pays rêvé pour ça. Ce nouveau totalitarisme
qui se réclame de dieu compte sur ceux qui se réclament des droits de l’homme,
les « faux amis de la laïcité et autres idiots utiles » pour avancer masqué
lorsque nécessaire. Je range parmi ceux-ci Québec Solidaire, toute la galaxie
bien-pensante, et tous ceux qui se réclament de la laïcité pour mieux l’abattre
comme AMAL-Québec (Association des Musulmans et des Arabes pour la Laïcité au
Québec). C’est ce qu’on appelle l’inversion des normes.
À terme ces entraves transforment la laïcité en
contre-sens. Si on ne se ressaisit pas, la laïcité ne relèvera bientôt que de
la nostalgie.
Quête identitaire et citoyenneté en
milieux pluralistes sont par nature presque antagoniques, car l'une relève de
biais cognitifs et inconscients extraordinairement puissants, centrés sur
l'appartenance de l'individu à un particularisme, son groupe, qu'il soit de
nature ethnique, religieuse, nationale ou autre, tandis que l'autre s'appuie
sur la raison, par nature universelle.
Jonathan Haidt un chercheur américain a ramassé cette tension entre l'énorme poids des automatismes de l'inconscient face à une raison universaliste continuellement manipulée (rationaliser n'est souvent qu'un subterfuge pour justifier ses biais cognitifs) sous la forme d'une métaphore "Le cavalier et l'éléphant", métaphore confortée par Daniel Kahneman (prix Nobel) dans sa distinction des deux systèmes cognitifs de l'être humain (système 1 et système 2).
L'éléphant représente le non-dit, l'inconscient, les pulsions, les automatismes, etc. Le cavalier représente la raison, le libre-arbitre, la volonté.
La quête identitaire est inscrite en énormes commandements inconscients chez l'éléphant (l'homme est un être social jusqu'à la moelle des os) alors que la raison et la reconnaissance de l'universalité de l'homme relève du cavalier.
On est toujours victime de l'illusion d'un "Je" cartésien, tout puissant ; grossière erreur !
Le cavalier essaie de contrôler l'éléphant mais celui-ci finit presque toujours par gagner grâce aux biais cognitifs.
Jonathan Haidt un chercheur américain a ramassé cette tension entre l'énorme poids des automatismes de l'inconscient face à une raison universaliste continuellement manipulée (rationaliser n'est souvent qu'un subterfuge pour justifier ses biais cognitifs) sous la forme d'une métaphore "Le cavalier et l'éléphant", métaphore confortée par Daniel Kahneman (prix Nobel) dans sa distinction des deux systèmes cognitifs de l'être humain (système 1 et système 2).
L'éléphant représente le non-dit, l'inconscient, les pulsions, les automatismes, etc. Le cavalier représente la raison, le libre-arbitre, la volonté.
La quête identitaire est inscrite en énormes commandements inconscients chez l'éléphant (l'homme est un être social jusqu'à la moelle des os) alors que la raison et la reconnaissance de l'universalité de l'homme relève du cavalier.
On est toujours victime de l'illusion d'un "Je" cartésien, tout puissant ; grossière erreur !
Le cavalier essaie de contrôler l'éléphant mais celui-ci finit presque toujours par gagner grâce aux biais cognitifs.
Si je devais résumer l’essentiel de ce
profond sentiment de désenchantement et même de déroute, je dirais : ce
qui assurait avant cette si forte identité du Québec, c’étaient évidemment sa
religion catholique et sa langue française qui faisaient de cette collectivité,
un peuple absolument distinct de son oppresseur. Ce peuple pouvait subir toutes
les avanies possibles et imaginables, son identité était irrécusable, protégée
par l’armure de l’Église et le fait que si l’anglais était la langue dominante,
elle ne disposait pas à l’époque de cette suprême souplesse de pénétration que
les moyens modernes de communication et les réseaux sociaux lui offrent
aujourd’hui.
Avec la révolution tranquille, le Québec
s’engagea sur une pente glissante ; il abandonna la religion mais surtout
se débarrassa de l’Église qui était un affreux carcan mais offrait une
formidable protection identitaire. Il s’ouvrait au monde et avec la globalisation,
sa culture propre allait s’effriter sous l’immense pression de la lingua franca
de notre temps, l’anglais, porté par l’hyperpuissance américaine.
Qu’est-ce qui reste alors aujourd’hui qui
permettrait à la collectivité québécoise de revendiquer une identité
distincte ? Trois choses seulement :
§
Sa langue, si elle la défend avec suffisamment de force
§
Sa culture, si elle retrouve la fierté d’elle-même en redonnant à
l’enseignement de l’histoire, une place prépondérante
§
Sa charte de la laïcité qui demeure une très profonde aspiration de la
majorité des Québécois.
Et comment défend-t-on sa langue et sa culture, si ce
n’est d’abord et avant tout au travers de l’école, de l’éducation !
Sommes-nous à la hauteur de ces
exigences ?
Assez
tristement, j'en arrive à la conclusion qu’il est très
difficile pour une société laïque de durer longtemps si elle n'est ancrée
que sur les prescriptions de la raison. C’est pourquoi, elle a besoin de
s’appuyer sur le ciment du peuple, et ce ciment, c’est son identité
particulière.
Cette identité précède toujours
son type d’organisation.
C’est la raison pour laquelle,
je crois que l’expérience de réingénierie que le Canada poursuit depuis
Pierre-Elliot Trudeau est vouée à l’échec mais que le Québec, lui, peut
subsister s’il maintient son identité.
Léon Ouaknine
Novembre 2017
[1] Le déterminisme absolu de Pierre-Simon
marquis de Laplace, répondant à Napoléon, que Dieu n'était nullement nécessaire
à l'univers pour fonctionner. "Sire, je n'ai pas eu besoin de cette
hypothèse ».
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