« .. barre toi sale sioniste de merde,
grosse merde sioniste .. La France est à nous …» C’est par ces mots que
l’académicien Alain Finkielkraut fut agressé en tant que juif à Paris le 17
février par quelques gilets jaunes lors de la manifestation de ceux-ci, l’individu
le plus virulent étant un musulman coiffé du keffieh palestinien.
Les mots sionisme et sioniste
sont devenus depuis quatre décennies des mot piégés, utilisés comme insultes
pour désigner le Juif coupable d’être juif, et les Juifs comme source et soutien
maléfique d’un pays voué aux gémonies : Israël.
Ce ne fut pas toujours ainsi. Le
sionisme est un mouvement politique qui émergea au XIXème siècle pour œuvrer au
retour du peuple juif en Palestine, lieu où il se constitua comme nation il y a
environ 3000 ans. Son idéologie est directement inspirée du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes suite à ce qu’on nomma le printemps des peuples de 1848.
C’est donc un mouvement nationaliste comme plusieurs autres de l’époque, mais
sa particularité fut de se présenter comme l’ultime recours des Juifs européens
parce que l’antisémitisme semblait être une donnée irréductible de l’histoire
occidentale, vouant tous les Juifs à une perpétuelle assignation identitaire -
d’exclusion, de racisme et de pogroms. Certes de nombreux Juifs s’opposèrent à
l’époque à l’idée d’un retour effectif en Palestine car il semblait remettre en
cause le patriotisme des Juifs pour les pays où ils résidaient; lorsqu’il
devint évident dès les années 30 qu’il n’y aurait d’autre destination pour les
Juifs que les chambres à gaz et les fourneaux, bien des Juifs réticents au
sionisme, changèrent d’idée et émigrèrent en Israël après la déroute des nazis.
Le sionisme acheva donc son objectif essentiel en 1948, lorsque l’État d’Israël
fut proclamé, concrétisant le rêve doublement millénaire du retour à Sion.
Cette renaissance de l’État juif,
fut bien accueillie par la France et par l’Occident en général, de 1948 à 1967,
le sionisme, en tant qu’idéologie de regroupement des Juifs en Israël avait
bonne presse en France puisqu’un havre permanent mettait fin à deux mille ans
d’errance des Juifs. Sionisme et sioniste n’étaient porteurs d’aucune image
négative, bien au contraire. Le ton changea à compter de juin 1967 lorsque avec
le célèbre discours de Charles de Gaulle furieux contre Israël de la guerre des
six jours, celui-ci fustigea non seulement Israël mais se permit de
caractériser le peuple juif dans son ensemble avec ces mots : « les Juifs,
jusqu'alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu'ils avaient été de tout
temps, c'est-à-dire un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur, n'en
viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer
en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu'ils formaient
depuis dix-neuf siècles : l'an prochain à Jérusalem ».
Ce à quoi Raymond Aaron répondit
« Définir un “peuple” par deux adjectifs... expliquer l'impérialisme israélien
par la nature éternelle, l'instinct dominateur du peuple juif... Le général de
Gaulle a, sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l'histoire
juive et peut-être de l'antisémitisme. Tout redevient possible. Tout
recommence. Pas question, certes, de persécution : seulement de “malveillance”.
Pas le temps du mépris : le temps du soupçon. ».
La période de retenue dans
l’expression antisémite n’aura finalement duré que le temps d’une génération et
c’est au travers de la critique de l’État d’Israël et donc de son fondement, le
sionisme, qu’il fut permis de vilipender de nouveau les Juifs.
Et voilà de quand date le feu vert redonné à la parole antisémite. Peu importe les calculs géostratégiques qui forcèrent toutes les chancelleries occidentales à réorienter leurs politiques pour tenir compte de la provenance de l’or noir, la sympathie pour Israël cédait le pas à la realpolitik et de ce fait, on commença à caractériser Israël comme le méchant, puisqu’il fallait impérativement flatter l’irrédentisme arabe.
Et voilà de quand date le feu vert redonné à la parole antisémite. Peu importe les calculs géostratégiques qui forcèrent toutes les chancelleries occidentales à réorienter leurs politiques pour tenir compte de la provenance de l’or noir, la sympathie pour Israël cédait le pas à la realpolitik et de ce fait, on commença à caractériser Israël comme le méchant, puisqu’il fallait impérativement flatter l’irrédentisme arabe.
Cette porte ouverte à la critique
d’Israël, offrit un boulevard à l’expression codée de l’antisémitisme, pour
attaquer non seulement Israël mais également les Juifs vivant en diaspora.
Longtemps murmuré sotto voce, la parole antisémite enfla de plus en plus
puisqu’il était devenu de bon ton depuis la résolution de l’ONU de novembre
1975, traçant une équivalence entre sionisme et racisme de le clamer haut et
fort. Certes cette résolution des nations Unies fut annulée en 1991, mais le
mal était fait puisque l’auguste assemblée avait déjà parlé.
Bizarrement, le mot sionisme
servit de trait d’union entre la droite extrême de Jean-Marie Lepen,
l’antijudaïsme chrétien avec l’abbé Pierre - homme le plus aimé des Français,
qui vomit des torrents d’insultes contre le mouvement sioniste accusé de
vouloir dominer rien de moins que le monde entier - et l’antisémitisme virulent
des banlieues et quartiers chauds, autres mots pour désigner la mouvance
islamiste dont l’un des slogans était « À Paris comme à Gaza, intifada ».
Il importe de comprendre que le
mot sionisme se distingue du mot Israël; en effet les ennemis jurés d’Israël ne
désignent jamais ce pays par son nom, Israël, mais usent plutôt de l’expression
l’entité sioniste, parce que parler d’Israël ce serait admettre l’existence de
cet État fort de sa légitimité internationale, alors que le terme entité
sioniste demeure vague, unique, malfaisant, quelque chose d’horrible qu’il faut
détruire comme une tumeur maligne.
Le sionisme est
donc un masque, tant au plan des relations internationales que dans les rues
françaises, pour cracher son antisémitisme sous couvert de critique d'un État
étranger; il est devenu un mot comme capitalisme, communisme, fascisme,
nazisme, un mot repoussoir, une véritable ontologie du mal.
Que de chemin
parcouru pour ce terme né dans le dernier quart du XIXème siècle dans une relative
tolérance – nombre d’antisémites s’y rallièrent car ils y voyaient le moyen de
se débarrasser des Juifs - il aura connu une grande sympathie après-guerre,
devint dans le dernier quart du XXème siècle un substitut du terme racisme, et
servit de masque pour le venin antisémite venant principalement de la gauche
régressive et du monde islamique, avant d’être enfin reconnu péniblement par
les media bienpensants, Le Monde, Libération et tutti quanti, pour ce qu’il
est, une pure injure antisémite !