…. Mais, si quelqu’un par hasard
apprenait à la compagnie que j’étais Persan, j’entendais aussitôt autour de moi
un bourdonnement : Ah ! Ah ! Monsieur est Persan ? C’est une chose bien
extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? C’est ainsi que
Montesquieu, en voulant ironiser sur le nombrilisme des Parisiens, illustre ce
que l’étranger avait d’exotique pour ses contemporains en 1721. On ne rangeait
pas encore ceux qui venaient d’un ailleurs culturel ou religieux, sous le grand
chapiteau de la diversité.
Diversité
signifiait alors selon le Larousse, « le caractère de ce qui est divers, varié,
différent ; variété, pluralité : la diversité des goûts ». Aujourd’hui l’encyclopédie
universelle Wikipédia nous apprend que ce substantif s’emploie principalement pour
désigner soit la diversité du vivant, soit la diversité culturelle, ethnique ou
religieuse. C’est évidemment de ce dernier sens que nous allons traiter, sa
prégnance s’accroissant quasi quotidiennement au Québec ; ainsi, le ministère
de l’immigration d’antan s’est renommé il y a quelques décennies, ministère de
l’immigration et des communautés culturelles pour finalement se renommer le
MIDI, Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion.
On
comprend fort bien l’importance de la problématique diversitaire. Depuis les
années 80, le Québec a accueilli environ deux millions d’immigrants, soit un
accroissement de 30 % en 40 ans de sa population. Beaucoup d’entre eux ont des
origines ethniques et des religions différentes de celles bien établies au
Québec. Ce sont ces gens qui forment l’essentiel de ce qu’on appelle la diversité
et non tous ceux qui ne seraient pas de souche : en effet, on ne range pas
dans la diversité les Québécois anglophones d’origine britannique ; en
revanche, on y met toutes les nations amérindiennes. Il saute aux yeux que
cette « diversité » comprend peu de gens très fortunés et que la plupart
devront passer par les fourches caudines de la pauvreté et du chômage dans leur
processus d’insertion, comme l’ont fait pratiquement toutes les vagues d’immigrants
venant d’Europe.
Tout
comme en France, ce déferlement pose avec acuité la question de l’intégration
des nouveaux venus, non seulement pour l’insertion économique mais plus encore pour
les valeurs démocratiques et identitaires sur lesquelles la société québécoise,
de tradition judéo-chrétienne et héritière des Canadiens français, entend se
fonder. Ce point est d’autant plus sensible que l’identité québécoise est
fragilisée par deux phénomènes convergents : l’énorme attractivité de la
culture anglo-américaine en Amérique du Nord et la politique multiculturaliste
du Canada qui depuis Pierre Elliot Trudeau vise à réduire le peuple québécois
de souche à une simple communauté culturelle parmi d’autres, alors que ce même
peuple entendait avec la révolution tranquille, se réapproprier son destin avec
son manifeste « Maîtres chez nous ».
C’est
dans ce contexte délicat que la « diversité » devient facilement éruptive parce
qu’elle recouvre quelque chose qui refuse de dire son vrai nom, à savoir faire
de cette incessante vague migratoire une subtile machine de guerre pour
fracturer l’identité nationale du Québec : on invoque le multiculturalisme
pour non seulement maintenir sa différence mais aussi pour exiger que le pays d’accueil,
le Québec, change de visage et de mœurs. Tout cela sous l’œil attendri du gouvernement
fédéral, toujours à la manœuvre.
Dans
ces conditions, le mot « diversité » fut rapidement kidnappé par les islamistes
et les habituels dévots de la bien-pensance, les zinclusivistes, parce qu’il
avait une valeur « stratégique » évidente. Le terme de « diversité » passait
mieux que celui de « musulman », vu les vagues d’attentats islamistes
frappant tous les pays occidentaux. On ne s’étonnera donc pas de la guérilla
anti-laïque orchestrée principalement par les organisations musulmanes au nom
de la sacrosainte diversité des croyances, des cultures et des modes de vie.
Souvent on accole des vertus particulières à la « diversité ». La diversité, c’est
l’ouverture à l’autre, la promesse de tolérance, l’ajout de nouvelles
authenticités, l’assurance non seulement d’un vivre-ensemble mais d’un mieux
vivre-ensemble. La diversité, c’est magique, comme d’ajouter des richesses
nouvelles au fond commun : nouveaux plats, nouvelles musiques et pendant qu’on
y est, nouveaux modes d’habillement des femmes, dont voile, hijab, burqa.
Derrière ces nouveautés, se profile l’idée de régénération d’un vieux peuple,
ne faisant plus assez d’enfants, ouvert sur le monde, au lieu de sentir le
moisi, enfermé sur lui-même. La diversité, c’est aussi pour les tenants du
marxisme culturel et les fantassins des droits-de-l’hommisme, la promesse d’une
aube nouvelle ; les bataillons des nouveaux miséreux remplaceront la classe
ouvrière qui décidément a refusé de régler son compte au capitalisme. Pourquoi
pas ? Lorsqu’on fait passer des demandes spécifiques au nom de la diversité, ça
donne l’impression d’inclure tous les déshérités, dont les premières nations
envers qui la société a une dette morale, et tous les immigrants non
occidentaux qui ne bénéficient pas du privilège d’être blancs d’origine
judéo-chrétienne.
La
diversité ethnique ou religieuse en soi n’est ni un problème, ni une richesse.
Elle n’est pas un problème comme l’histoire l’a montré lorsque ceux qui
revendiquent le maintien de leurs différences, le font dans le respect des lois
et de l’éthos du pays ; les Italiens et les Juifs se sont coulés sans trop de
difficultés dans le moule du pays, sans renier aucunement leur identité ni leur
culture.
La
diversité n’est pas une richesse non plus, contrairement à l’affirmation
décérébrée, « la diversité, une chance pour le Québec », sinon un pays comme le
Danemark se porterait bien mal. Un article récent dans la revue française
Causeur sur ce pays est à cet égard instructif ; comme le dit le sociologue
Morten Frederiksen « le secret du
Danemark, c’est qu’il n’est pas multiculturel, il est culturellement
homogène ». Autrement dit, qu’il n’y a pas ou peu d’immigration et/ou que l’assimilation
— et non pas l’intégration — y marche très bien. Le Danemark n’est donc pas
« riche de ses différences » mais tout le contraire, riche et heureux grâce à
l’absence ou à la très grande faiblesse des différences en son sein. »
Autres exemples, la Chine, la Corée du Sud, le Vietnam, ces pays loin de s’écrouler
en l’absence d’immigration et de diversité, montrent une santé étonnante sur le
plan économique sans aucun affadissement culturel. Quant au Japon, bien que son
taux de natalité soit très faible, il préfère maintenir sa cohésion culturelle
que la risquer avec une immigration (diversité) inassimilable, et à ce jour,
grâce à son inventivité scientifique, il demeure la troisième puissance
économique du monde.
La
sacralisation de la diversité est quand même surprenante car elle repose sur un
paradoxe : à moins d’imaginer une arrivée ininterrompue d’immigrants, une
population diverse, hors le maintien de quelques reliques folkloriques, devrait
au cours des générations se fondre dans un grand melting-pot si son
vivre-ensemble est harmonieux, ce qui ferait à terme disparaître sa
« diversité » ; la France et les États-Unis se sont constitués ainsi en se
présentant comme des nations universelles, à même d’assimiler n’importe quelle
vague migratoire, du moins jusque vers les années 1960. Mais si cette
« diversité » se maintient fortement au long cours, la seule explication, c’est
que son vivre-ensemble est en fait un vivre-séparé, ce qui est l’aveu d’un
échec. Le Liban en est l’exemple emblématique ; il faudrait être fou pour
vouloir un tel modèle d’institutionnalisation des différences. L’autre modèle
qui pose la diversité comme l’alpha et l’oméga du nouveau monde, c’est cette
étrange volonté de Justin Trudeau, le Premier Ministre du Canada, de construire
le premier État post-national hors-sol du monde ; un État où toutes les
différences culturelles et religieuses seraient sanctuarisées ; une vision
fallacieuse puisque le prix à payer évidemment serait la disparition du pays, étant
donné que sans certaines valeurs auxquelles tous adhèrent, il n’y a point de
ciment pour le maintenir.
La
diversité qui préfèrerait le communautarisme plutôt que la pleine adhésion aux
valeurs du pays, cette diversité-là n’a jamais été une force quelconque d’aucun
pays, c’est en fait un outil de désagrégation du lien commun par la
balkanisation culturelle et légale.
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